Une souffrance quotidienne
Le 03/06/2021
La misophonie cet enfer quotidien.
Surpris par cette exagération ? Parfait ! L’article est pour vous
« Misophonie » quel drôle de terme ! Vous avez sûrement compris que c’est lié à l’ouïe.
Misos terme grec signifiant aversion et fonos son. Souvent la périphrase employée pour ce mot est « intolérance aux bruits ».
Euphémisme ?
D'après le docteur Jimmy Mohamed, il est davantage question d' "aversion" voire de "détestation" pour certains bruits.
Lesquels ? Ils sont nombreux et varient selon les cas. Les plus connus sont les bruits de quelqu'un qui mange (bouche ouverte comme fermée), de quelqu'un qui respire fort, qui claque ses couverts contre ses dents, qui produit un son répété avec son stylo...
Ce sont des sons anodins pour cinq Français sur six et pourtant, pour le sixième restant, il s'agit d'une torture quotidienne.
Un misophone, en étant exposé à ces sons l'insupportant, va tenter d'établir des stratégies afin de ne pas les entendre ; manger en regardant la télé ou mettre des boules quiès, par exemple. Toutefois cela ne lui est pas toujours possible. De fait il réagit aux nuisances sonores sur lesquelles il ne peut s'empêcher de se focaliser.
En effet une des conséquences de cette maladie, encore peu reconnue et pourtant assez présente, est une incapacité de contrôler le sentiment de colère qui monte en soi. Pour vous donner une jolie image ; imaginez un misophone lors d'un repas de famille. Tout le monde parle la bouche pleine... Il va supporter tout d'abord en essayant de ne pas se concentrer sur ces sons. Mais, telle une cocotte-minute, à un moment il ne pourra plus se retenir et explosera.
De l'agacement à la colère et de la colère aux larmes de frustration et de rage, il y a moins d'un pas.
La misophonie amène à la perte de contrôle. Et pourtant, nombreux sont les parents qui attendent de leurs enfants de prendre sur eux sans rien dire.
Nous pourrions même rentrer dans un débat :
- D'une part il y aurait les parents qui attendent de leurs enfants de subir sans rien dire, de ne rien laisser paraitre de leur agacement que ce soit de manière audible ou visible. Il en va de même pour les amis même si, dans ce cas, il est plus facile d'éviter ce genre de situations... Ce qui nous amène à nous demander :
La misophonie contraint-elle à une forme d'exclusion sociale involontairement volontaire ?
- D'autre part il y aurait les enfants et plus généralement les misophones qui devraient souffrir sans recevoir de compassion ni percevoir le moindre effort de leur entourage pourtant averti.
> La question est intéressante : Un misophone doit-il subir ou attendre de son entourage (averti, évidemment) des efforts ?
Une alternative est souvent proposée aux misophones : "va te faire soigner !". (du géni si je puis me permettre)
En disant cela, la personne n'admet pas la réalité de la maladie de l'autre et se veut seulement blessante. Cependant, cette phrase n'est pas entièrement fausse ; il existe en effet des solutions pour pallier à cette gêne quotidienne.
Il est recommandé de consulter un psychologue afin de déterminer la cause, l'origine de la maladie. Celle-ci apparait généralement à l'âge de la pré-adolescence, aux environs de neuf et douze ans.
Le dr Mohamed explique dans une de ses interview réalisée pour Europe 1 en mai 2021 que la misophonie résulte d'un "conditionnement initial". Les bruits en question sont associés dans l'esprit de la personne misophone à des souvenirs eux-mêmes associés à des émotions. Il affirme : "... la personne qui ne va pas supporter ce bruit de bouche va associer ce bruit à des émotions négatives depuis son enfance, puis son adolescence. Chaque bruit de bouche fera resurgir cette association. Ce phénomène de conditionnement va créer du stress et de l'hyper-attention. Plus vous êtes focalisé sur un bruit, plus vous allez en avoir peur et être agacé."
En outre de nombreuses études ont montré que le cerveau d'un misophone est différent. Certaines zones sont sur-activées ce qui favorise l'attention et la focalisation de la personne sur des sons précis. Elle est alors sujette à de l'hyper-sensibilité ce qui explique assez bien la rage faisant surface en cas de trop forte exposition à des bruits spécifiques.
D'autres traitements que les consultations avec un psychologue sont possibles. Il y a, par exemple, les thérapies de rééducation des acouphènes, les thérapies cognitivo-comportementales, les thérapies de désensibilisation...
Pour résumer, j'ai trouvé pertinent de conclure par cette citation de Caryn Bursch (docteur en audiologie) et de Fauve Duquette-Laplante (audiologiste) :
"La misophonie est un état dans lequel les gens sont particulièrement sensibles à certains sons, réagissant avec une détresse extrême, de la colère et même de la rage. Elle peut provoquer un stress extrême dans les relations avec les autres. Les personnes atteintes de misophonie disent souvent devoir éviter les interactions sociales, y compris les repas, en raison du stress qu'elles subissent. Il peut être difficile pour les personnes sans misophonie de comprendre à quel point cela est stressant. La misophonie est une maladie du cerveau due à des différences dans la façon dont le cerveau d'une personne est câblé. Elle n'est pas due au fait qu'ils essaient délibérément d'être difficiles ou de contrôler."
> A retenir : un misophone ne l'est pas par choix et souffre
il souffre plus que la personne qui est agacée de l'énervement de l'autre
il n'y peut rien mais peut se lancer dans de grosses thérapies pour s'en débarrasser...
il se sent seul et incompris !
J'espère avoir pu vous sensibiliser à ce problème qui torture des personnes, qui les rend irascibles, qui les force à s'exclure d'événements sociaux censés être joyeux, qui les fait se sentir seuls...
Il est tout aussi difficile à un misophone de ne plus l'être qu'à une personne ayant l'habitude de produire ces sons d'arrêter de les causer.
Quel dur monde ! Ayez de la compassion les uns pour les autres et... bon courage !
Evangéline Bertin